Long Beach Avenue.
Une voie suffisamment fréquentée pour être connue et repérable des habitués de la ville mais pas assez pour que les néophytes puisse la repérer.
Une rue qui avait la particularité de commencer dans un quartier à la criminalité élevé empli d'appartements étroits pour finir dans un quartier résidentiel empli de maison avec jardin où se bousculaient des ersatz de familles modèle.
Au milieu de cela, dans un appartement au premier étage modeste mais pas complètement insalubre, se trouvait un cabinet de détective privé. Sur la porte, on pouvait lire "H.F. Private Investigator" sur une plaque métallisée poussiéreuse qui semblait bon marché. De l'autre côté de la porte, une entrée encombrée de vestes, manteaux et paires de chaussures de sport menait à un salon surchargé visuellement.
Un nombre excessif de papiers et de cartons encombrait presque toute les surface et on pouvait se demander par quel miracle est-ce qu'il était possible de pouvoir se déplacer dans un tel bazar. Pourtant, ce bordel organisé était étalé de manière à optimiser l'espace et à se mouvoir dans les lieux sans pour autant renverser ou déranger ce qui, derrière un chaos apparent camouflait un ordre personnalisé.
Sur une table basse, un ordinateur portable était en train de charger à côté d'un cendrier dans lequel deux pauvres mégots de cigarettes se livraient un duel pour déterminer qui tomberait à la renverse le premier.
Une femme brune semble être affalée sur le bureau à côté d'une fenêtre grande ouverte à l'extrémité de la pièce. Les derniers rayons de soleil balayent son t-shirt gris taché à plusieurs endroit et son short de jogging troué avat de disparaitre à l'horizon.
La nuit tombe et Hazel se réveille. Etait-elle un loup-garou ? Ou une simple villageoise ? Aucun des deux. La détective frissonne et sursaute alors qu'une brise jusqu'à maintenant agréablement rafraichissante la refroidisse maintenant que la pénombre était reine. Se redressant lentement, elle essuie le mince filet de bave qui la relie à son bureau et plus précisément à son ébauche de lettre qu'elle devra assurément recommencer vu l'état du papier.
Ne perdant pas de temps, la rêveuse réveillée tâtonne maladroitement derrière son oreille quelques instants, finissant par faire tomber la cigarette qui y était coincée. L'expression irritée, Hazel attrape une autre cigarette habilement dissimulée dans un pot rempli de crayons, ou plutôt d'un crayon dont la mine était cassée et d'une dizaine de Camel. La jeune femme saisit son briquet posé sur la table et allume son petit plaisir du début de la journée. Le début de SA journée.
Après avoir profité de sa première bouffée, elle sursaute de nouveau lors d'une nouvelle bourrasque de vent qui la surprend. Laissant la fenêtre grande ouverte, Hazel se lève en grommelant pour se diriger vers sa chambre à coucher. Celle-ci est impeccable, ou en tout cas, beaucoup moins bordélique que le reste de l'appartement. Un sanctuaire du sommeil qui permet facilement à la jeune femme de se saisir d'un pull et d'un pantalon de jogging qu'elle enfile rapidement par-dessus ses vêtements.
De retour dans le salon, elle continue de fumer et ramasse sa tasse de café dans laquelle un fond de marc grumeleux et noirâtre git pitoyablement. Se délestant des cendres superflu dans le cendrier au passage, la détective va vers sa cuisine dans laquelle elle rince la tasse dans un évier vide mais à l'odeur épouvantable de reflux d'égouts. Fronçant les narines, elle aspire davantage de fumée pour masquer l'odeur nauséabonde.
Elle se dirige vers son réfrigérateur mais change soudainement d'avis, fait volte-face et retourne vers le salon, rejoint la fenêtre et regarde l'extérieur.
Les lampadaires orangées grésillent alors que ça et là dans la ville, les foyers commencent à allumer leur lumières. La rue est comme à son habitude fréquentée par un mélange de travailleurs qui rentrent du travail, de zonards qui discutent sur le trottoirs et de quelques figures peu fréquentables qui lorgnent vers l'appartement de la femme.
Qu'importe, ce qui intéresse Hazel est sous ses yeux. L'épicerie de quartier tenue par M. Qiu, repère nocturne des habitants du quartier occupe le rez-de-chaussée en dessous de chez elle. Et sur le toit de celui-ci, sur le rebord qui dépasse légèrement d'une trentaine de centimètres, se trouve une assiette remplie de quelques croquettes pour félins.
Charlie n'était pas venu aujourd'hui non plus. Ce n'était pas son chat, juste un chat de gouttière du quartier qui avait pris l'habitude de venir traîner sous sa fenêtre depuis près de 3 mois. Et cela faisait maintenant 5 jours qu'elle n'avait pas eu trace du matou. 6 en comptant aujourd'hui.
Hazel ramène l'assiette dans la cuisine et en jette le contenu à la poubelle avant de remplir d'une ration fraiche le récipient. Alors qu'elle le repose sur le rebord, ses yeux balayent la rue à la recherche d'une touffe de fourrure grisâtre et crasseuse mais rien à l'horizon.
Un soupir s'échappe de ses lèvres alors qu'elle se tourne de nouveau vers l'intérieur de l'appartement. Elle était presque prête. Dans quelques jours elle recevrait le coup de fil et n'aurait plus qu'à prendre la fuite avant que les hommes du Crisp ne décident de passer à l'action. Savoir que Charlie ne dépendait plus d'elle était à la fois rassurant et triste. Il lui était peut-être arrivé une bricole ?
Même si c'était le cas, qu'est-ce que ça changerait si elle le savait ? Elle se sentirait plus misérable pendant sa cavale ou plus déprimée peut-être ? Mais si elle ne savait pas, elle continuerait de se poser la question en boucle comme un magnétophone cassé. Qu'est-ce qu'elle avait à perdre à faire un tour dans le quartier, après tout. Elle savait qu'elle ne devait pas éveiller les soupçons, elle était probablement surveillée après tout. Mais cette histoire lui prenait le chou.
Alors que son regard se pose sur l'ordinateur qu'elle ouvre, celui-ci quitte sa veille pour révéler un fil de discussion sur le forum "4chan" au sujet d'un bar mystérieux. Y'avait toujours de nouveaux creepy pasta qui apparaissaient sur internet pendant les vacances. A croire que les gamins n'avaient rien de mieux à foutre que raconter des bobards sur l'ordinateur familiale pendant leurs longues journées à la maison. Celui-ci pourtant avait un certain réalisme. Le mélange entre le mystère et ce qui était raconté dans les différents supposés témoignages était savamment dosé au point qu'elle avait elle-même fini par y croire. Ou en tout cas, croire que c'était peut-être à moitié vrai. De tous les petits mystères qu'elle avait suivi dans la ville depuis son arrivée, aucun n'avait fait vraiment mené à quoi que ce soit de concret. Sa chasse aux enquêtes s'était finalement limité à son boulot et aux mecs qui trompaient leurs copines ou recherches de disparus qui s'étaient bien souvent barrés avec les économies de leurs familles.
Elle s'apprêtait à quitter la ville en laissant derrière elle pas mal de désillusions tout compte fait. alors qu'elle scroll sur la page, un nouveau message capte son attention. Le "Blue Moon" serait apparu à Los Angeles... Bah voyons...
Mais la jeune femme sourit. Quitte à partir bientôt dans la honte et dans la peur, au lieu de s'ennuyer comme un rat mort pendant l'attente, autant en profiter pour jeter un coup d'œil pour retrouver un matou égaré. Elle garderait également le Blue Moon en tête sait-on jamais. Peut-être que ce n'était pas que des histoires ?
Improbable.
Bon. C'est décidé.
Si Charlie n'est pas rentré demain soir, elle ira le chercher.
Sur cette décision ferme et déterminée, Hazel se lève de sa chaise pour aller chercher un Pizza roll bien mérité dans son congélateur pour commencer sa journée avec un bon petit déjeuner.
Sujet: Appartement d'Hazel Feathers 
Ven 29 Juil - 2:20
