Oust-Tsilma - République de Komi - Un Grenier loué

Un grenier miteux loué par Vorona et ce qu'elle peut mettre de coté en enchaînant les travaux manuels dans une ville qui en a besoin et qui est passée sous la barre des 5000 habitants dans les années 2000, loin dans les terres Russes. Fièrement représentée par le castor et le poisson de son blason.

Tandis que Vorona sort de chez son grenier, la nuit ne fait que commencer il est 20h30 pile, et couteau caché dans sa veste, par habitude et par mesure de sécurité personnelle et de la ville, l'ex-militaire commencera sa ronde, même si les années de procès lui avait fait perdre certaines de ses compétences, elle ne perdrait pas ses habitudes. Et en longeant la rivière, elle garde l'œil ouvert.

Environ 7° Celsius. La nuit est froide sur les rives de la Tsilma. Elle n'a pas encore gelé; cela devrait encore attendre un mois, un mois et demi tout au plus. Le silence est presque absolu, si ce n'est pour le bruit de la brise, assez légère pour la saison, et pour l'occasionnel hululement d'une des chouettes de l'Oural qui peuple la région. Le village, quant à lui, semble déjà s'endormir, ce qui n'était somme toute pas inhabituel; et les derniers oiseaux de nuit avaient déjà dû s'enfermer dans l'un ou l'autre bar pour se protéger du froid et se réchauffer les boyaux à la vodka artisanale. En bref, Vorona pourrait presque se sentir seule au monde, et cela ne ferait que s'intensifier à chacun de ses pas.

Depuis sa plus tendre enfance, Vorona n'avait pas été spécialement entourée, aînée d'une fratrie, fille d'un mafieux et d'une mère absente pour des raisons qu'elle n'avait jamais souhaiter évoquer. La solitude n'avait jamais été un mal. Vorona avait grandi dans la solitude. Jusqu'à l'armée. Mais si l'armée avait brisé son isolation, elle lui avait appris aussi à résister à la plupart des tortures psychologiques, et la solitude prolongée en faisait parti, aussi, un soir de plus, un soir de moins, cela ne changerait rien.

Elle continuera à déambuler dans la ville, pour sa patrouille du soir.

La ronde de Vorona se poursuit donc dans le même silence. C'est après une vingtaine de minutes, environ, que l'imperturbable soldate quitte les rives de la Tsilma pour se retourner vers l'intérieur de la communauté rurale. Le temps se couvre; la nuit approchait, oui, mais un brouillard dense commençait également à se lever et si, pour l'instant, Vorona voyait encore devant elle, il n'était pas dit que cela dure longtemps. Dans la distance, elle entend de plus des injures, du chahut : vraisemblablement, deux ivrognes qui semblaient avoir des comptes à régler.

Sans attendre, Vorona aura sorti sa lampe torche, qu'elle aura pointé directement vers le sol, afin d'éclairer efficacement devant elle sans être embêtée par le brouillard. Des lunettes spéciales n'auraient pas été de refus, mais dans ces conditions, la lampe sur le sol était la meilleure option.

Concernant les deux ivrognes, elle n'aura rien dit et se sera contentée d'accélérer le pas vers l'altercation. Espérant y mettre un terme avant qu'elle ne s'aggrave plus qu'il n'était nécessaire.

Alors qu'elle dévie de sa route pour remplir sa mission de maintien de l'ordre, la brume s'intensifie, encore et toujours, de manière surnaturelle. Les étoiles et la lune disparaissent du ciel habituellement constellé d'Oust-Tsilma, car préservé par son insularité de la pollution lumineuse des grandes villes. La lampe-torche de Vorona ne lui est pas d'une grande aide, et c'est majoritairement à l'ouïe qu'elle parvient un temps à s'orienter vers la bagarre, mais le son semble progressivement s'éloigner, jusqu'à... disparaître. Vorona se retrouve prise dans un brouillard complet et dans un silence cette fois-ci absolument total.

C'était pour le moins étrange. En fait, ce brouillard, cette brume, ne lui rappelait rien de bon. La lampe torche inutile, elle l'aura simplement rangé avant de sortir un simple foulard pour recouvrir son nez et sa bouche. En dépit de l'époque, elle n'avait malheureusement rien de mieux comme masque. Outre ce dernier, elle préparera aussi son couteau, et aura fait le calme dans son esprit. Si la brume était un handicape pour elle, elle ne devait pas l'être pour le quelconque ennemi qui en venait à utiliser des armes chimiques. Elle se devait donc de ne pas perdre de temps, ni douter un seul instant. Avançant aussi discrètement que possible, vigilante, elle tentera de frapper la première chose qui apparaîtrait dans son environnement sonore.

La brume qui envahit la zone ne semble pas nuire au système respiratoire de la commando, ni d'ailleurs à son organisme de quelconque manière, pour autant qu'elle puisse le dire - ou alors peut-être son foulard est-il diablement efficace. Quoiqu'il en soit, le seul son qui après une poignée de secondes apparaîtra dans son environnement sonore est celui d'une clochette au son cristallin, qui se met à tinter au loin. Peut-être était-elle au cou d'une vache dans l'un des pâturages du coin ? En tout cas, c'était bien là la seule stimulation de l'un des cinq sens de Vorona (sans compter bien sûr la sensation du sol sous ses pieds), et frapper dans sa direction ne semble rien donner.

De manière professionnelle et procédurale, Vorona commencera à progresser, couteau à la main, en direction du tintement de clochette, ultimement, c'était certainement un piège, mais, elle comptait sur le fait de frapper la première dès que l'ennemi se montrerait trop vindicatif. Pensant avoir ferré une proie facile. Et, elle ne retirera pas non plus son foulard, aucune chance qu'elle fasse confiance à une mauvaise intuition~~, ou à ce que les membres de l'équipe mj pouvait lui raconter sur les dangers des nuages de pollution~~.

Le tintement se rapproche petit à petit, et le son se fait de plus en plus fort : au fil de la progression tactique de Vorona, il en vient même à sembler venir non plus d'un point précis de l'espace mais simplement d'une direction, à la manière d'un écho se répercutant sur le flanc d'une montagne. Alors que notre protagoniste est plus proche que jamais de la source de ce bruit, elle peut enfin apercevoir à travers la brume l'éclat doré d'une petite clochette, une vingtaine de mètres devant elle, tandis que l'incessant tintement continue de sonner dans ses tympans - elle n'est cependant pas encore assez proche pour voir la bâtisse à laquelle elle est accrochée.

Tandis qu'elle se relève de tout son long, Vorona fronce les sourcils et finit par retirer son foulard. Mais, elle n'avance pas moins d'un pas assuré qu'auparavant. La situation, si elle était pour le moins étrange, n'était pas visiblement dangereuse, ou urgente. Du moins en apparence. Cela pouvait toujours être un appât, comme un poisson lanterne dans les profondeurs de l'océan. Mais, comme l'innocent poisson de la surface, Vorona progressera vers la lumière. Pour le meilleur ou pour le pire.

Enfin arrivée à ce qui semblait être l'épicentre de toute la bizarrerie de cette soirée, Vorona voit devant ses yeux une bâtisse de bois croulante. Noirci par les flammes, ce qui semble être les ruines d'un bar vieux d'une bonne cinquantaine d'années est entouré d'une aura particulière, surnaturelle, voire magique. Cette bâtisse, elle est certaine de ne jamais l'avoir croisée au cours de ses rondes; mais les superstitieux et les curieux y reconnaîtraient peut-être le Blue Moon sur lequel de nombreuses rumeurs circulent, souvent dans les milieux urbains, mais qui auraient très bien pu atteindre la petite communauté isolée d'Oust-Tsilma (ou, a minima, les oreilles de Vorona). Quoiqu'il en soit, l'entrée du bar se trouve juste devant la soldate, et la petite clochette semble presque appeler la soldate à venir la tinter, alors que son son résonne encore dans ses oreilles.

Après un regard dans toutes les autres directions autour d'elle, l'ex-militaire aura ramené son regard sur la clochette, et les ruines de la bâtisse aussi. Elle n'expliquait pas la présence de cette chose ici, ni même ce qui venait de se produire, ce qui était certain, c'est que quelque chose semblait vouloir la pousser à faire sonner le glas. Mais pour qui ? Pour quoi ?

Si cette force venait la pousser à faire tinter la clochette, son esprit de contradiction lui disait de la couper d'un coup de couteau bien placé, pour qu'elle ne sonne plus jamais. Mais petit à petit, la voix et la voie de la contradiction aura fini par se taire sous l'écho du tintement qu'elle avait déjà entendu, et d'un geste presque mécanique tant mesuré, elle aura fait jouer le tintement une fois de plus.

Lorsque Vorona secoue la clochette de nouveau, le tintement s'accélère, s'intensifie, devient assourdissant; il agresse les tympans de la soldate et se répercute sur toutes les surfaces alentours, au point de la sonner un court instant comme si elle venait de se prendre un coup en pleine tempe. Ce moment durera quelques secondes à peine, cependant; et lorsqu'elle reprendra ses esprits, elle pourra de nouveau voir le bar... mais celui-ci était transformé. Loin du tas de ruines qui lui faisait précédemment face, c'est un bar typique des années 70 qui lui fait place, animé et plein de vie. Si l'intérieur est caché par des rideaux pourpres, elle peut percevoir l'ambiance chaleureuse qui y règne. Des airs de jazz doux et mélancoliques se font entendre, ainsi que des bruits de pas et de verres qui tintent, tandis qu'au dessus de la façade bleue, des néons de la même couleur indiquent le nom de l'endroit : Blue Moon.

Plaçant son couteau dans son dos, Vorona aura observé un instant l'intérieur du Blue Moon à travers ses fenêtres, puis, poussant la poignée puis la porte, elle entrera dans dans le fameux bar, toujours prête à suriner à la première hostilité.

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