Une Entrerue - La Seconde Vallée

Une Entrerue de la capitale péruvienne. A première vue, rien d'anormal : des passants, des boutiques, l'un ou l'autre chien errant; mais les gens qui parcourent cette rue sont tous, de près ou de loin, initiés à l'Occulte.

C'est ici que le Blue Moon s'arrête et qu'arrivent Prométhée et Hazel. Dans cette Entrerue, nous sommes au beau milieu de l'après-midi et le temps est agréable, si ce n'était pour l'humidité inhérente au climat local. L'Entrerue est relativement animée, bien qu'elle le soit moins que les rues communes, dont rien ne la différencie d'ailleurs à première vue.

L'américaine plisse brièvement les yeux. Elle n'était pas habituée au soleil. Même si elle vivait au coeur de la Californie, elle sortait principalement la nuit. Ses yeux s'accoutument progressivement à la lumière et elle cligne des yeux.

Les étals et la rue en elle-même semblent plutôt quelconques au premier coup d'œil. Elle repère quelques écriteaux et signés rédigés en espagnol.

- Où est-ce qu'on est ? Enfin dans quel pays ?

Au vu du soleil et de l'heure de Los Angeles qu'elle connait, elle estime qu'ils sont en Amérique latine mais où précisément, elle n'en savait rien.

Prométhée parcoure un court instant la rue du regard; ça faisait longtemps qu'il n'était pas venu ici. Si le colosse attire un ou deux regards, sa présence ne semble pas étonner les autochtones outre mesure, pas plus que sa taille ou son accoutrement.

-Nous sommes au Pérou. Dans l'Entrerue Principale de Lima.

Il se met à marcher sans plus tarder, longeant les différentes boutiques avec une destination précise en tête, en poursuivant ses explications.

-Ce n'est pas Paris ou Rome, bien sûr. Mais j'y ai mes contacts, et mes habitudes.

Non pas qu'il avait à justifier ses choix à la nouvelle barmaid.

Alors ils étaient au Pérou. C'était assez fou de se dire que quelques heures plus tôt elle était dans son appartement et qu'elle n'avait parcouru que quelques centaines de mètres pour atteindre le Blue Moon qui l'avait déposé au milieu de la capitale.

Prométhée commence à marcher et Hazl doit presque trotinner pour rester à sa hauteur. Il fait dire qu'il avait de grandes jambes. Entre deux foulées, elle parvient à interroger :

- Les Entres-Rues de Paris et Rome sont plus fournis qu'ici ? Et si c'est pas indiscret, qu'est-ce qu'on est venus chercher aujourd'hui ?

-Bien sûr. Dans certains pays, les grands lieux de l'occultisme sont les centres urbains. C'est là qu'on trouve généralement les Entrerues les plus fournies. Mais le chamanisme se pratique mieux dans la nature qu'en ville.

Prométhée avance effectivement à grandes enjambées, par le simple fait de sa physionomie.

-Quelques armes d'entraînement, des mannequins, et certains autres composants qui serviront à votre formation.

Au ton de sa voix, on pouvait deviner que ça n'enchantait pas Prométhée de jouer les coursiers; mais, d'un autre côté, c'était sa responsabilité de choisir ce genre d'équipements, en tant que maître d'armes.

Dans certains pays, hein ?

- "Certains" ? Alors y'a des zones du monde où les Entres-Rues sont dans des milieux plus naturels ? D'ailleurs, comment est-ce qu'on rentre dans ces endroits sans le Blue Moon ? Je suppose qu'il y a une forme de protection pour empêcher les Communs de venir ici.

Le matériel du maître d'armes est somme toute assez classique. Mais c'est sur un autre point qu'Hazel semble préoccupée :

- C'est pas la première fois que vous entraînez des gens n'est-ce-pas ? Vous avez l'habitude et vous savez quoi chercher même si le Blue Moon vient d'avoir sa première fournée d'employés...

Il s'agissait davantage d'une question rethorique ou d'un constat.

Il secoue la tête.

-Toutes les Entrerues dont j'ai connaissance se trouvent en ville. Simplement, certaines comme celles-ci sont plus modestes, puisque l'activité magique locale est tribale et nomade, plutôt que concentrée et urbaine. En revanche, des villes comme Paris ou Rome comportent quant à elles, en leur sein, de nombreux occultistes. Leurs Entrerues sont donc bien plus conséquentes.

La remarque suivante d'Hazel pousse ensuite le colosse à tourner un instant le visage vers elle.

-Je m'entraîne au Blue Moon depuis que j'y réside. C'est pourquoi une salle est prévue à cet effet. Les changements apportés par votre arrivée sont minimes, et plus quantitatifs que qualitatifs.

En poursuivant leur route, ils passent devant une boutique dont la façade indique " Círculo de Adivinación Alyaqut - دائرة العرافةالياقوت ".

-Et puis, nous avons préparé votre venue.

La novice prend note de toutes ces nouvelles informations et se concentre pour suivre le rythme plus que soutenu du géant.

- C'est impressionnant ! Mais la taille ne fait pas tout. Je suppose que certains produits ne peuvent être trouvés que dans certains pays ou régions du monde, non ?

Par ailleurs, elle rebondit rapidement à la réponse du maître d'armes.

- Ah... Je vois. Et ça fait longtemps que vous vivez là ? Le bar à un côté 70's donc j'imagine qu'il a une cinquantaine d'années...

Alors qu'ils avancent, une boutique devant laquelle ils passent attire l'attention de la jeune femme.

- Attendez ! C'est quoi un cercle divinatoire ? Une sorte de club ou un magasin super sélectif ?

Elle désigne l'échoppe et en profite pour reprendre son souffle si Prométhée s'est arrêté.

**Amara** Humeur : Life is a daring adventure.

Une voix féminine se fait tout à coup entendre de derrière nos deux personnages.

- Prométhée ? C'est toi ?

Une femme très élégante, habillée d'un pull manches longues noires et d'une jupe longue bouffante avec une ceinture en forme nœud papillon se présente devant eux. Une tenue tout droit sortie des années 50.

- Mais oui, c'est bien toi ! Comment vas-tu ?

Elle tourne alors son regard vers Hazel.

- Et tu dois être une des nouvelles recrues ? Enchantée, je m'appelle Amara.

Elle lui offre un sourire chaleureux.

-Les spécialités locales existent, bien sûr.

Puis il acquiesce à sa question.

-Oui. J'ai très vite rejoint Dante, sur son invitation, lorsqu'il est devenu propriétaire du Blue Moon. Cela fait désormais un peu plus d'une quinzaine d'années.

Lorsque la recrue s'arrête, interpellée par le cercle divinatoire, il s'apprête à lui répondre quand il est interrompu par une vieille connaissance.

-Amara. Hazel Feathers voulait visiter une Entrerue, -explique-t-il-- et toi, que fais-tu ici ?

Une fois n'est pas coutume, Hazel retient les informations données par le géant. 15 piges, ça faisait un sacré bout de temps. Soit ils avaient commencé jeunes, soit elle avait affaire à un homme d'âge mûr. Difficile à dire, après tout avec leur monde magique, elle ne serait pas étonnée d'apprendre que des gens pouvaient vivre 200 ou 300 ans.

Avant qu'elle n'obtienne de réponse à son ultime question, une femme les avait interpellé et Hazel se retourne pour admirer la pin-up des années 50 qui s'adressait à eux. Elle masque du mieux qu'elle peut son étonnement derrière une expression simplement curieuse. Une voyageuse temporelle ou une excentrique ? Peut-être les deux...

- Enchanté Amara. Je suppose que vous connaissez le Blue Moon. Je suis également leur nouvelle barmaid.

Inutile d'aller poser trop de questions tout de suite. L'échange entre les deux serait sûrement déjà pleins de réponses.

**Amara** Humeur : Life is a daring adventure.

En observant Amara, Hazel peut constater que la femme est dans la trentaine.

- Oh, tu voulais voir à quoi ça ressemble ? dit-elle en s'adressant à Hazel. C'est vraiment super d'avoir des recrues aussi investies dès le début ! Tu me feras un bon cocktail quand je passerai, j'espère.

Elle lui lance un clin d'œil amusé avant de reporter son attention sur Prométhée.

- Je suis venue participer à la séance de divination de groupe.

Elle montre du doigt l'échoppe qui avait intriguée Hazel.

Le regard de Prométhée se pose de nouveau sur la boutique lorsqu'Amara la désigne; voilà qui était intéressant.

-Une simple séance de loisir, donc.

Il marque une pause durant laquelle il considère un instant la présence de Hazel, avant de demander.

-Ou bien y'a-t-il des choses que nous devrions savoir ?

Connaissant Amara, les deux options étaient tout aussi probables l'une que l'autre. Dans le doute, autant poser la question directement.

L'inconnue s'adresse directement à la détective qui réplique du tac au tac :

- La devanture a attiré mon attention. Je ne connais pas encore bien les Entres-Rues et ce qu'on peut trouver alors je me demandais ce qu'on pouvait y faire...

Elle lui rend ensuite son sourire :

- Je ferais de mon mieux quand je vous y verrai.

Ainsi, la jeune femme participait à une séance ? Une sorte de jeu du ouija ou de lecture dans une boule de cristal en groupe. Peut-être que faire ce genre de réunion en groupe aidait à mieux voir l'avenir. Ça devait concerner l'avenir si Prométhée lui demandait non ?

En tout cas, la brune est toute ouïe pour le moment.

**Amara** Humeur : Life is a daring adventure.

Le regard d'Amara se fait plus profond quand Prométhée lui pose la question.

- J'aurais aimé que ce ne soit que pour le loisir. Mais on fait justement cette séance en groupe pour tenter de comprendre les signes que nous recevons. Et je vais également en aiguiller certains.

La femme ne peut retenir un soupir en prononçant cette phrase. C'est pas tous les jours simple d'être une poiture dans son domaine.

- Si je découvre quoi que ce soit, je vous le ferai savoir.

Elle se tourne vers Hazel et semble retrouver un peu plus de légèreté.

- Oh, eh bien c'est simple ! Tout ce que tu imagines peut se trouver dans les Entre-rues, même les choses les plus farfelues. C'est ce qui fait le charme de l'endroit.

-Bien. On ne peut se permettre d'ignorer quoi que ce soit, surtout en ce moment. Je te remercie.

Il jette un œil au ciel au dessus de lui ; l'heure tourne.

-Nous allions chercher du matériel, chez Angeline, pour leur formation. Souhaites-tu nous accompagner, Amara ?

Ah. Elle et son groupe recevaient des signes qu'ils n'arrivaient pas à interpréter ? Cela valait le coup de s'y intéresser mais ce n'était pas un domaine où elle pouvait aider. Du moins, pas pour le moment.

Hazel sort de sa poche son portefeuille dans lequel se trouvent quelques exemplaires de ses cartes de visite. Loin d'être aux standards d'un certain psychopathe newyorkais, elles etaient grises avec le nom et les contacts (téléphone et mail) écrits en noir dans une police aléatoire mais qui semblait sérieuse aux yeux de la brune. Elles sont un peu tordues et abîmées pour la plupart mais la barmaid sélectionne la moins pire avant de sortir un stylo pour écrire quelques symboles dessus.

Amara revient vers elle et Hazel écoute attentivement une phrase qui sonne un peu creux quand on voulait des détails mais qui éveille tout de même sa curiosité. La jeune femme perçoit l'urgence dans les gestes de Prométhée cependant et il serait malavisé de l'ennuyer alors qu'elle s'était incrustée dans sa course. Elle poserait ses questions une autre fois...

- C'est à la fois intriguant et un peu effrayant dis comme ça... Il doit y avoir des coins mal famés dans les Entres-Rues si c'est le cas...

L'esprit des Hommes étaient naturellement attiré par le vice après tout. Ou c'est ce que disaient ses parents en tout cas.

**Amara** Humeur : Life is a daring adventure.

- Oh, rassure-toi, répond Amara à Hazel, il y a bien des personnes à éviter, mais en général, elles sont facilement reconnaissables. Mais tu devrais te plaire ici, et ce qui est encore mieux, c'est que chaque Entre-rue est unique.

Elle regarde ensuite Prométhée.

- Ç'aurait été avec plaisir, mais je dois assister à ce cercle divinatoire. On se verra sûrement au Blue Moon.

Elle se tourne ensuite vers Hazel.

- J'ai été ravie de faire ta connaissance, à bientôt.

Puis sans attendre, elle entre dans la boutique.

Il hoche la tête en direction d'Amara, pour la saluer.

-Très bien.

Dès que la voyante se détourne, il reprend sa marche, à grandes enjambées. La route n'est plus très longue, et ils aperçoivent bientôt la devanture de ce qui semble être une armurerie.

-Nous y voilà. Cela ne devrait pas être long, mais ce pourra être instructif pour toi.

Hazel est prise de vitesse par la fin de la conversation. La jeune femme a tout juste le temps de répondre :

- Eh bien, j'ai hâte de les découvrir ! Ç'a été un plaisir. Bonne fin de journée...

Elle n'avait pas eu le temps de lui donner sa carte avec le numéro du téléphone du Blue Moon qu'elle venait de rédiger dessus. Tant pis, la détective range le morceau de papier cartonné dans son portefeuille et suit de nouveau son guide jusqu'à ce qui ressemble à une armurerie.

- Je n'en doute pas. C'est un fournisseur régulier de matériel pour le bar ?

-C'est à elle que je fais appel pour le matériel d'entraînement. Les véritables armes et armures, naturellement, sont conçues par Héphaïstos. Entrons.

Prométhée pousse la porte de l'armurerie, et aussitôt, le maître d'armes et sa recrue sont accueillies par la tenancière.

**Angeline**

Une femme d'une trentaine d'années, au teint hâlé et aux yeux vert émeraude, salue les deux clients avec un grand sourire très cordial; ils se trouvent dans une grande pièce, claire et colorée, et sont entreposées une diversité d'armes et d'armures qui semblent comme tirés de plusieurs époques différentes : de l'épée longue au fusil à pompe, de la cotte de mailles au gilet pare-balles, difficile de ne pas y trouver son bonheur. Plusieurs poudres et ingrédients, vraisemblablement employés pour différents rituels, sont également en vente.

-Prométhée ! Quel plaisir de te voir. J'ai préparé ta commande; tout est dans l'arrière-salle.

Son regard se pose ensuite sur Hazel, et Angeline la regarde droit dans les yeux avec une intensité presque inconfortable, comme si elle la scrutait, malgré l'expression joviale qui n'a pas quitté son visage.

-J'imagine que vous êtes une recrue du Blue Moon ? Bienvenue dans mon humble boutique. Je suis Angeline.

La femme s'approche de Hazel et lui tend la main après s'être présentée.

Le duo entre donc et Hazel commence par regarder la propriétaire ou peut-être l'employée de la boutique.

Une jeune femme de la même tranche d'âge d'Amara s'adresse à eux d'un air affable. Elle se présente et fixe intensément son regard sur la néophyte.

Par réflexe, Hazel détourne les yeux. Elle n'agissait pas par peur ou timidité cependant. Elle avait l'habitude de faire face à des gens peu fréquentable voire dangereuses et elle utilisait toujours la même méthode face à eux lors de la première rencontre : paraître faible, naïve ou stupide.

C'était une arme redoutable car cela lui permettait de surprendre ces personnes au moment où c'était nécessaire. Elle répond avec un léger sourire :

- Bonjour ! Enchantée, je m'appelle Hazel Feathers et je suis aussi la nouvelle barmaid.

Elle sert la main en observant ensuite les différents objets exposés, son regard étant particulièrement attiré par les couteau, dagues et poignards qu'elle pourrait apercevoir.

- Est-ce que vous êtes une collectionneuse ? Ou vous avez tout fabriqué ici ?

-Je te remercie. Si tu me le permets, je vais aller m'assurer que tout soit en ordre.

Et, aussi vite, Prométhée s'éclipse dans l'arrière-salle avec un tel naturel qu'on pourrait croire qu'il s'agissait de son propre magasin.

**Angeline**

Une grande variété de courtes lames sont présentées aux clients, pour la plupart ornées de symboles et de runes magiques. Angeline aura simplement acquiescé à la demande de Prométhée avant de se reconcentrer sur Hazel.

-Splendide ! Ne le lui répète pas, mais j'ai toujours pensé que Dante avait la main un peu trop lourde sur les cocktails. Un peu de sang neuf ne sera pas de refus.

Elle adresse un clin d'œil à Hazel, avec un rire complice.

-Tout ce que je vends est enchanté par mes soins. Mais il est vrai que j'adore collectionner les belles œuvres. J'ai par exemple une sublime collection d'arbalètes forgées par Héphaïstos ! En revanche, celle-là, je la garde pour moi.

Suivant le regard de la barmaid, elle demande.

-Mais ce ne sont pas ces armes là qui t'intéressent, si j'en crois tes yeux. Mes dagues te plaisent ?

Hazel ne prête pas attention au départ de Prométhée. Elle n'allait pas lui coller aux basques surtout alors qu'on lui adressait la parole et gentiment qui plus est !

- Ah... Vous le connaissez depuis un moment ou bien il vient souvent ici ? Et je ferais attention au dosage dans ce cas.

Elle lui rends son sourire non sans ressentir un petit malaise en pensant au tenancier du bar. Est-ce qu'il était véritablement un déviant qui s'attaquait aux jeunes femmes qui entraient dans son bar. Elle décide de ne pas tirer de conclusions hâtives mais de ne surtout pas baisser sa garde. Il faudrait prévenir la nouvelle fille, Charlotte et... La russe. ~~L'autre tchoin de~~ Camille aussi mais elle laisserait Ewan s'en charger. Et elle ne donnera pas de nom pour ne pas lancer une chasse aux sorcières sur Dante à tort si elle se trompait.

- Avec mon déménagement et la seconde Récolte je n'ai pas eu l'opportunité de rencontrer Héphaïstos mais sa réputation le précède ! On a de la chance de l'avoir à domicile on dirait... C'est récent son affiliation au Blue Moon ?

La détective, par habitude cherchait à glaner un maximum d'informations des sources nouvelles qu'elle rencontrait. Ce n'est pas qu'elle se méfiait mais elle n'avait pas envie de regretter une confiance aveugle en des individus mystérieux.

Son expression se relâche un peu toutefois alors qu'elle approche des armes blanches courtes dont parlait Angeline :

- J'ai un Smith & Wesson 908 chez moi, parce que mon métier et mon environnement fait qu'on est jamais trop prudents. S'armer est la première étape pour se défendre. Mais j'ai toujours préféré les couteaux. C'est pratique en tant qu'outils, ça se cache facilement et c'est une arme redoutable à courte portée. Sans mon canif, j'aurais échoué à plein d'étapes de ma vie et je serais peut-être pas ici pour en témoigner.

Elle tapote sa poche qui contenait son atout avec un air satisfait.

**Angeline**

-Je passe parfois au Blue Moon, pour admirer le travail d'Héphaïstos. Je ne le connais que par l'intermédiaire de Prométhée; Dante n'est venu ici lui-même qu'une fois ou deux, à vrai dire. Je ne lui en veux pas; c'est un homme très occupé.

Les yeux pétillants, elle secoue ensuite la tête énergiquement.

-Non, non; d'aussi loin que je me souvienne, je l'y ai toujours vu. Il faut dire que sa forge, là bas, c'est quelque chose. Je comprends qu'il ne la quitte pas ! Si je pouvais avoir un tel matériel... Mais il est né pour faire ce qu'il fait. Tu ne mesures pas encore votre chance - puis-je te tutoyer ?

Elle pose sa main sur l'épaule de la détective en lui posant cette question avant de la suivre d'un pas leste jusqu'aux armes qui avaient attiré son attention, et acquiesce.

-Rien de mieux qu'une bonne arme, solide et fiable ! Tu as tout à fait raison.

Angeline se saisit d'un long couteau, à la lame fine et tranchante ornée de cercles concentriques lumineux et au manche en bois incrusté de verre coloré.

-J'ai une très bonne amie qui collectionne les couteaux comme celui-ci. Vous vous entendriez à merveille. Je préfère quant à moi les armes à distance - mais je ne saurais nier l'utilité d'une bonne lame. Pour être franche, je ne vois pas ce que Prométhée trouve à sa masse, c'est une arme fort peu élégante; mais enfin, comme il est, on ne le changera pas. Pourrais-je jeter un œil à ton canif ?

La commerçante parlait à une cadence de plus en plus rapide, et changeait de sujet à une allure qui pouvait avoir quelque chose de déroutant, mais sans jamais se défaire de son enthousiasme.

Hazel essaye de garder le fil de la conversation mais il est difficile de prendre des notes mentales, de garder un air composé et curieux et en plus de rester concentrée sur la discussion.

- Ah oui, on peut se tutoyer, ce sera plus simple !

Angeline devient tactile ce qui provoque immédiatement l'activation de l'instinct de survie d'Hazel. Combattre ou fuir ? Pour le moment, comme pour Dante, elle se dégage du geste de la vendeuse d'un mouvement délicat qui ne se veut pas impoli mais reste ferme.

- Désolée mais je n'apprécie pas tellement le contact physique tant qu'on ne m'a pas payé un verre.

Espérant que cette remarque humoristique suffira à ne pas casser l'ambiance, elle enchaîne rapidement pour camoufler ce moment gênant :

- Une autre férue des lames, hein... Votre amie est-elle aussi douée pour fabriquer et enchanter que vous et Héphaïstos ?

Elle lui tends son canif qui est fermé après une brève hésitation. Il y avait peu de chance qu'elle l'attaque avec, et si ça arrivait, elle pourrait toujours attraper une arme sur un étal pour rendre l'affrontement plus équilibré.

Pour ce qui est du canif, les initiales H et F semblent avoir été gravés sur le manche. Celui-ci est couvert de petites griffures et égratignures qui témoigne de plusieurs années d'utilisation de l'objet. La lame en revanche est immaculée. Un bon observateur pourra remarquer une zone près de la pointe qui semble avoir été tordue puis redressée. L'arme semble également être affûtée régulièrement.

**Angeline**

-Ce sera pour mon prochain passage au Blue Moon alors, sans faute !

Angeline a un petit rire très commercial, pas le moins gênée du monde, avant de secouer la tête vivement.

-Oh non, non, c'est une collectionneuse. Mais quelle collectionneuse ! Quant à moi... Je ne me compare pas à Héphaïstos, tu sais. Mes enchantements sont de la plus haute qualité, bien sûr, mais son travail à lui...

L'admiration qu'elle éprouve pour le forgeron du Blue Moon est transparente dans sa voix.

-Non, je n'ai jamais rien vu de tel.

Elle se saisit ensuite du canif qu'on lui tend, très respectueusement, et commence à l'inspecter sous toutes les coutures.

-Magnifique. L'artisanat n'est pas... particulièrement remarquable, mais cet objet a une âme, une histoire, c'est évident. Tu en prends grand soin. Peut-être...

Relevant le regard pour observer à nouveau Hazel, elle demande.

-Aimerais-tu pouvoir l'utiliser au combat ? Dans le cadre de tes nouvelles missions, je veux dire.

De la porte qui mène à l'arrière-salle, une grande silhouette émerge à nouveau.

-Tout est bon, Angeline. Hazel ?

Interpelle-t-il la recrue.

Hazel sourit simplement. Elle avait compris le message, c'était le principal. Et visiblement, le travail d'Hephaistos la fascinait. Ce type devait avoir un talent assez incroyable pour provoquer ce type de réaction.

Angeline examine son arme ce qui met l'américaine un peu mal à l'aise. Il faut dire que comparé à sa collection, son canif était banal et usé. Probablement pas le genre de merveilles qu'elle avait l'air de voir au quotidien.

- Merci ! C'est très gentil, mais il fait pâle figure en comparaison de ce que vous exposez.

La question de la femme est accueillie par une réponse plutôt ferme mais pas agressive :

- Non... Ça ne m'intéresse pas. Je ne sais pas exactement ce que je ferais en mission et l'utilité d'une arme enchantée mais... Je sais pas si vous connaissez cette série sur Netflix "Le sorceleur". Le héros utilisé une arme différente pour les monstres et pour ce qui n'est pas un monstre. Je préfère garder ce canif pour... La vie de tout les jours, couper mon steak ou dévisser le panneau électrique de mon appartement pour brancher le câble sur ma télévision. Et avoir une autre arme pour... Mes missions.

Prométhée revient et Hazel opine simplement en regardant ce que le géant ramenait avec lui.

**Angeline**

Elle hoche la tête avec bienveillance.

-Oh, je comprends, je comprends tout à fait. Ce n'était qu'une simple proposition.

Et elle s'écarte ensuite, laissant à Hazel la voie libre pour rejoindre Prométhée.

Prométhée a les mains vides lorsqu'il apparaît dans le cadre de la porte. Visiblement, le matériel n'a pas bougé.

-Nous allons sortir par l'arrière.

Retournant d'un pas dans l'arrière-salle, dont la porte reste ouverte, il prononce ensuite en tendant le bras vers l'intérieur de la pièce qu'on ne peut pas bien voir depuis la boutique.

-Asiv.

Hazel ressort rapidement la carte de visite sur laquelle elle avait griffonné son nouveau numéro de téléphone plus tôt pour la tendre vers Angeline :

- Ah ! Je sais que ça peut paraître étrange mais si vous avez besoin d'une détective un jour ou que vous avez envie de discuter ailleurs qu'au bar par exemple, voici mon contact.

Ce n'était pas très raffiné mais si elle ne revoyait pas régulièrement la collectionneuse, il fallait bien qu'elle utilise cette occasion pour commencer à se forger son réseau.

Elle suit ensuite Prométhée et essaie de se contorsionner pour voir ce qu'il fait avec son bras. "Asiv ?"

**Angeline**

-Entendu. Quant à moi, tu sais où me trouver, si tu as besoin de quoi que ce soit en matière d'enchantements.

Dit-elle en désignant d'un mouvement circulaire la boutique où ils se trouvent, après avoir accepté la carte de Hazel.

D'autant qu'elle puisse l'apercevoir, l'arrière-salle est comblée de mannequins d'entraînements, d'armes factices, et de cartons contenant fioles, poudres, bougies et bibelots. Chose plus surprenante, tout ce fatras est comme entouré d'une trainée de lumière vaguement bleutée comme une ficelle qui l'enserre. Alors que Prométhée lance son sort, la totalité de l'équipement ainsi délimité se met à flotter, petit à petit, à une cinquantaine de centimètres du sol. Le bras toujours tendu pour maintenir le sort, Prométhée interpelle de nouveau Hazel.

-Rejoins moi et ouvre la porte.

La porte en question s'apparente à une porte de garage qui s'étend sur une bonne portion du mur du fond de la pièce (qu'Hazel n'apercevra pas avant d'avoir rejoint l'arrière-salle), vraisemblablement faite pour permettre à de vastes cargaisons d'entrer ou de sortir de la boutique. Elle s'ouvre par simple coulissement.

Hazel sourit et fait un petit signe de main à la gérante :

- On fait comme ça. A la prochaine !

Elle se dirige ensuite vers l'arrière boutique et s'arrête un instant devant le spectacle surnaturel devant ses yeux des objets et mannequins volants.

- Ben dis donc... On peut tous faire ça ou bien t'es le seul qui en est capable parce que t'as des plus gros muscles magiques ?

Elle ponctue sa question d'un grognement alors qu'elle pousse la porte coulissante pour permettre à la marchandise de pouvoir être extraite.

-Vous êtes tous capables de le faire, à condition de développer une maîtrise suffisante des rituels. Mais il me semble que ce n'est pas cette magie que tu souhaites apprendre, si ?

Alors que la porte s'ouvre sur un coin un peu plus isolé de l'Entrerue, Prométhée se met à avancer, en faisant flotter derrière lui tout le matériel d'entraînement.

-Appelle Dante. Dis lui de faire venir le Blue Moon.

La jeune femme attends que le géant sorte de la pièce pour refermer la porte derrière lui en restant du côté extérieur de la porte évidemment.

- En effet. Je suis plus intéressée par la divination. D'ailleurs, y'a une raison pour laquelle vous avez choisi ces domaines dans la magie ? Les rituels et le chamanisme, je veux dire.

Elle s'exécute rapidement en appelant Dante et en lui disant qu'ils se trouvent actuellement à l'arrière de la boutique d'Angeline.

-La divination est une magie très élégante. Dis lui aussi d'appeler Aziz Baarlouf. Il nous aidera à installer le matériel dans la salle d'entraînement.

Commente-t-il au passage, attendant l'arrivée du Blue Moon, avant de répondre à la question de Hazel.

-Les différents domaines sont simplement différentes manières d'appréhender et de manipuler l'Ether. Je préfère pour ma part canaliser mes propres flux magiques plutôt que de manipuler ceux qui me sont extérieurs. La magie d'enchantement est peut-être la moins ambigüe de toute - un même rituel, à condition d'être bien réalisé, apportera toujours le même résultat. Quant au chamanisme... c'est une des magies les plus anciennes, et les plus puissantes. La pratiquer permet de comprendre que l'on est bien plus que sa propre enveloppe charnelle, et de dépasser les limitations de celle-ci. La maîtriser, c'est se connaître soi-même mieux que l'on n'aurait jamais pu l'espérer. Et se connaître soi-même est l'une des clés pour triompher de l'adversité.

Il marque une pause après sa longue explication, puis poursuit avec la même gravité.

-Toutes les magies ont leur lot de leçons à apporter. Aucune n'est objectivement meilleure ou plus puissante qu'une autre. Mais elles transforment toutes, d'une manière ou d'une autre, celui qui souhaite les maîtriser, dans sa chair et dans son esprit.

**Dante**

Au détour d'une ruelle, Prométhée et Hazel pourront apercevoir le Blue Moon, celui-ci s'étant matérialiser non loin d'eux

Hazel transmet les instructions de Prométhée au téléphone avant de raccrocher en écoutant les explications du grand homme, dans l'attente de leur bar-taxi.

- Donc c'était un désir d'introspection et de triompher ? Une sorte de volonté d'être suffisamment indépendant pour... Vaincre tous ses ennemis ?

C'était une vision intéressante des choses et plus proche de la sienne qu'elle ne le pensait à l'origine. La divination devait devenir un moyen de se comprendre elle-même et d'aider les autres à surmonter les obstacles qu'ils ne pouvaient franchir seuls.

- D'ailleurs, je vous ai tutoyé tout à l'heure mais ça vous a pas dérangé on dirait.

La remarque était une demande implicite de pouvoir le tutoyer ce qui simplifierait quelque peu leurs rapports.

En repérant le bar, elle commence à marcher vite dans sa direction. Prométhée la rattraperait en quelques secondes de toute façon.

-En quelque sorte.

Il dépose toute la cargaison devant l'entrée du bar; elle ne pourrait jamais passer la porte en un bloc. Pensif, Prométhée ajoute.

-Lorsque nos racines doivent être tranchées, on ne peut que regarder vers l'intérieur, et plus derrière soi. On a en nous tout ce que l'on est. C'est important de comprendre cela.

La manière dont le géant prononce cette phrase la fait sonner presque comme une confession; métaphorique, certes, mais qui semble sincère. Pour autant, toujours impassible, il poursuit.

-Nous allons faire quelques aller-retours pour amener l'équipement à l'intérieur. Et je n'ai que faire du pronom que tu utilises pour t'adresser à moi, tant que tu le fais avec respect.

La cargaison touche finalement le sol et il semblerait qu'il faille désormais user de ses biscottos pour ramener les fournitures à destination.

Hazel offre un demi-sourire au géant qui était moins taciturne et froid qu'il ne paraissait. Sa "confession" laissait entendre que ses "racines" avaient été tranchées. Un sujet intriguant mais que la jeune femme se garde d'approfondir pour le moment :

- C'est une très jolie formulation. Au fond, c'est un peu ce qu'on cherche tous. À mieux se comprendre pour mieux comprendre ce qui nous entoure.

Elle n'était pas très philosophe alors ça ferait probablement l'affaire ! Elle s'accroupit et se saisit d'une caisse qui ne semblait pas trop lourde. Le genre qui demande des efforts quand même mais qu'elle était capable de transporter. Sans la soulever, elle s'exclame :

- Ça me va. Tu m'as l'air de quelqu'un de respectable alors je n'ai pas de raison de te manquer de respect !

Honnêtement, même s'il était indigne de respect, il y avait peu de chance qu'elle l'insulte ou se montre irrespectueuse... Devant lui en tout cas.

-Il me semble que le monde gagnerait à ce que chacun cherche un petit peu plus.

Lui aussi prend sous chaque bras trois mannequins d'entraînement à taille humaine, et se prépare à passer avec la porte du Blue Moon.

-Bien.

Et sur ces mots, il commence à ramener le matériel, petit à petit, à l'intérieur du bar.

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